dimanche 1 juillet 2012

HIER, J'ÉTAIS UN FRENCH CANADIAN AMATEUR DE VAN GOGH

Vendredi soir. Le téléphone sonne. Ma tante me demande si je veux aller voir l'exposition sur Van Gogh au Musée des Beaux Arts d'Ottawa avec elle et mes deux oncles le lendemain. Même si je m'intéresse à l'art en général, que l'on parle de littérature, de peinture, de sculpture ou de musique, je ne connais pas beaucoup l'oeuvre de Van Gogh et je dois avouer qu'il ne m'a jamais intéressé particulièrement en tant qu'artiste. Je me dis que ce sera l'occasion de mieux le connaître, lui et son oeuvre.


Alors je dis oui.


C'est grand, le Canada, très grand et la route jusqu'à Ottawa est longue. Nous n'avons pas à passer par des douanes pour arriver à destination et pourtant, je ne peux m'empêcher de penser que je me trouve désormais dans un autre pays en sortant de la voiture.


Les drapeaux canadiens sont omniprésents, j'entends l'hymne national être entonné par une chanteuse au loin alors qu'elle fait une répétition générale pour la fête nationale du Canada et tout le monde autour de moi parle en anglais. Je suis en terre étrangère.


Et pourtant, dans les faits, je suis supposé être chez moi à Ottawa autant que tous les autres Canadiens. Car, que je le veuille ou non, je suis bel et bien un citoyen canadien, tant sur mes papiers d'impôts que sur mon passeport. I'm a freaking Canadian, man.  


Nous visitons l'exposition et je découvre avec bonheur l'oeuvre d'un peintre de grand talent que l'on qualifie de "pré-expressionniste" ou de "post-impressionniste". Malgré la beauté des toiles qui m'entourent, je ne peux m'empêcher de ressentir un certain malaise devant ces qualificatifs. Quand on dit de quelqu'un qu'il est "pré-quelque chose" ou "post-quelque chose", c'est un peu comme si on refusait à cette personne le droit de représenter "quelque chose", puisqu'elle ne se définit qu'en ayant existé et agi avant ou après cette chose en question. 


Et je réalise que Van Gogh et moi avons plus de points en commun que je ne l'aurais cru. Pas le Van Gogh vivant qui s'engueulait avec Gauguin. Pas le Van Gogh a qui il manquait une oreille. 


Le Van Gogh pré-exprésionniste-post-impressionniste-etc. 


Quand je suis au Québec, je suis un Québécois. Mais dès que je quitte ma terre natale, vous savez ce que je suis? 


Je suis un French Canadian. Je suis post-Nouvelle-France. Je suis post-défaite. Je suis post-classe ouvrière illetrée. Je suis post-référendum. Je suis post-quelque chose, peut-être même pré-quelque chose avec de la chance et c'est tout.


Van Gogh était beaucoup plus que le "post" ou le "pré" de quelque chose. Son oeuvre a été très marquée par le développement des technologies de la photographie au dix-neuvième siècle et par les estampes japonaises. Il a valsé avec l'impressionnisme et l'expressionnisme sans jamais tout à fait se classer dans ces mouvements esthétiques et a fait fi des règles de son époque. Si j'avais à lui donner un qualificatif, je dirais qu'il était quelque chose comme un impressionniste inavoué teinté de japonisme et de photographie qui rêvait d'expressionnisme. Et malgré toute ma bonne volonté, je suis sûr que Van Gogh détesterait ce qualificatif. Pourquoi? Parce qu'il est sans aucun doute le seul qui pourrait définir son oeuvre avec exactitude et pertinence.


Nous, Québécois, avons une chance que Van Gogh n'a pas depuis le royaume des morts: nous avons l'occasion de nous définir nous-mêmes au lieu de laisser les autres tenter de mettre des mots sur ce que nous sommes. Accepter d'être "post-quelque chose", c'est accepter d'être un résultat passif, de vivre dans une sorte de statu-quo immobile, alors que consentir à n'être qu'un "pré-quelque chose", c'est laisser la responsabilité de devenir "quelque chose" à ceux qui nous suivront.


Quand viendra le moment de nous définir nous-mêmes, Québécois, déciderez-vous de laisser cette responsabilité à ceux qui ont décidé pour nous que nous serions des French Canadians, ou saisirez-vous l'occasion de cesser d'être l'après ou l'avant de quelque chose? Quand viendra le moment de mettre de côté les défaites, les tentatives d'assimilation, les échecs d'émancipation, les pleurs et les grincements de dents, ferez-vous ce qu'il faut pour qu'on devienne enfin quelque chose comme un grand peuple?


Je ne suis pas un French Canadian. Je ne suis pas post-défaite. Je ne suis pas pré-indépendance. 


Je suis un Québécois. Et vous?


- Nicolas W. Walker

8 commentaires:

  1. Bravo! De quoi à faire réfléchir bien des Québécois. La prochaine fois, il faudra dire oui!

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  2. Très beau texte et vous décrivez exactement ce que je ressens quand je "traverse" en Ontario.

    Merci.

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  3. Vois-tu ce commentaire cette fois-ci Nicolas? moi sais pu quoi faire pour que ca marche, k-lys.... mdr

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  4. Merci Denise et oui Pierre-Luc ça a fonctionné, mdr!

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  5. ok, je vois mon commentaire Nicolas, ENFIN, ca fonctionne... merci de ta patience! Je vais m'y faire... mdr

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  6. Je suis content de garder contact avec ta pensée et tes opinions plutôt articulées. On se retrouvera ici, sans faute, le plus souvent possible.

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  7. D'accord! Heureux que ça fonctionne! :)

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